Gecko Spartacus : Les chaînes de la Cité du Soleil
Chroniques historiques des geckos
Tome III

Gecko Spartakus, les chaînes de la Cité du Soleil

Partie 1 : Deux mondes, une seule machine

Chapitre I : L'outil qui parle

Bien avant même que le premier Seigneur-Lézard ne règne sur ses serfs, dans une autre partie du monde, sous un soleil de plomb, s'élevait la grande Cité de Solaris. Ses temples de marbre blanc étaient la fierté de ses citoyens, mais leur splendeur reposait sur le labeur incessant de milliers d'esclaves.

Parmi eux se trouvait Minus, un jeune gecko qui n'avait jamais connu que les chaînes et le fouet. Il n'était pas un travailleur ; il était une chose, un "outil qui parle" appartenant au riche citoyen Maximus. Chaque jour, dans les carrières de marbre, le même cycle de souffrance recommençait.

Dernièrement, la brutalité des contremaîtres avait redoublé. Des rumeurs parvenaient des domaines agricoles : les sols s'épuisaient, la production baissait. La grande machine esclavagiste, autrefois si rentable, commençait à montrer des signes de faiblesse. Pour compenser cette crise naissante, les maîtres comme Maximus exigeaient des cadences infernales. Les rations diminuaient, les coups pleuvaient.

Si Minus tombait malade ou se blessait, Maximus ne voyait pas un patient à soigner, mais un actif déprécié. La logique économique de la Cité, où le flot de nouveaux captifs se tarissait lentement, rendait chaque décision plus cruelle. Le calcul du maître était terrible : acheter un esclave sur le marché coûtait encore moins cher que de nourrir et soigner un "outil" improductif pendant des semaines, avec le risque qu'il ne retrouve jamais sa pleine capacité. La vie de Minus avait une valeur marchande, et si le coût de son entretien dépassait sa valeur de remplacement, il devenait économiquement jetable.

Le soir, dans l'obscurité étouffante de la baraque surpeuplée, le désespoir était palpable. Mais ce soir-là, alors que Minus fixait le sol, un vieil esclave à côté de lui traça discrètement un symbole dans la poussière : une simple étoile.

une simple étoile

"Ne perds pas espoir," murmura le vieil esclave. "Nos souffrances ici-bas sont vues. Le Gecko-Né-des-Étoiles nous a promis une place au Grand Marais Céleste, où il n'y a ni maître ni chaîne." Pour la première fois, Minus entendait parler d'une autre forme de libération, non pas une libération des corps par la révolte, mais une libération des esprits par la foi.

Chapitre II : La terre des ancêtres

Loin de la chaleur écrasante des carrières de marbre, dans les collines verdoyantes du nord de la Cité, un jeune gecko nommé Marius regardait le soleil se lever sur sa ferme. C'était une petite terre, quelques arpents gagnés par son grand-père pour ses loyaux services dans les légions, mais c'était la leur. Chaque vigne, chaque pierre du muret, chaque insecte dans leur petit élevage portait la marque du travail de sa famille. Marius était pauvre, mais il était digne et, surtout, il était un citoyen libre .

Sa vie était simple, rythmée par les saisons. Il cultivait son champ avec sa femme et jouait avec ses deux enfants le soir, leur racontant les vieilles légendes de la fondation de Solaris. Il ne demandait rien de plus. Il était le pilier de la Cité, le paysan-soldat, celui qui nourrissait la ville en temps de paix et la défendait en temps de guerre.

Un matin, un héraut de la Cité, monté sur un grand scarabée caparaçonné, arriva au village. Il déroula un parchemin et lut d'une voix forte : de nouvelles terres devaient être conquises à l'Est, et la Dixième Légion appelait ses vétérans et leurs fils. Marius sentit son cœur se serrer. Il regarda sa ferme, sa famille, et tout ce qu'il avait construit.

Le devoir, cependant, était plus fort que la peur. Servir dans les légions était un honneur, la source de sa citoyenneté et du droit de posséder cette terre. Le soir même, il nettoya sa vieille lance et embrassa sa famille.

la terre des ancêtres

"Je reviendrai avec l'aigle victorieux," promit-il, le cœur lourd mais rempli de la fierté et du patriotisme qu'on lui avait enseignés. Il ne savait pas encore que cette guerre, menée pour la gloire de Solaris, allait signer la fin de son propre monde.

Chapitre III : Le prix d'une vie

La pression dans la carrière de marbre devint insoutenable. Sous un soleil de plomb, un vieux gecko nommé Cassius, qui travaillait aux côtés de Minus depuis des années, fit un faux pas. Un bloc de marbre mal calé lui écrasa la jambe dans un bruit terrible. Ses cris de douleur déchirèrent le vacarme des outils.

Les gardes l'emportèrent sur une civière jusqu'à la cour de la villa de Maximus. Minus, prétextant un outil cassé, réussit à suivre la scène de loin. Il vit Maximus sortir de sa demeure, non pas avec un médecin, mais avec son comptable.

Le maître regarda à peine le blessé qui se tordait de douleur au sol. Il consulta un registre que lui tendait le comptable, fronçant les sourcils. Minus, caché derrière une colonne, ne pouvait pas entendre leurs paroles, mais il en comprenait le sens terrible. Il voyait le mouvement des mains, les hochements de tête.

le prix d'une vie

Ils ne discutaient pas de la blessure de Cassius, mais de son coût. Ils comparaient le prix d'un nouvel esclave robuste venu des dernières campagnes militaires au coût des soins, de la nourriture et des semaines d'improductivité d'un "outil" endommagé.

Après quelques instants, la décision fut prise. Maximus fit un geste bref et dédaigneux de la main. Les gardes emportèrent Cassius, non pas vers l'infirmerie, mais vers la fosse commune derrière la carrière.

Ce jour-là, quelque chose se brisa en Minus. Ce n'était pas la compassion ou la tristesse ; c'était une illusion. Il comprit que, dans les yeux de son maître, il n'était pas un gecko, pas même un animal, mais une ligne dans un livre de comptes. Une ligne qui pouvait être effacée d'un simple calcul. Sa rage n'était plus chaude et impulsive ; elle devint froide, patiente et aussi dure que le marbre qu'il taillait.

Chapitre IV : Les captifs de la forêt lointaine

À des centaines de lieues de sa ferme, Marius combattait au cœur d'une forêt sombre et inconnue. Sa légion, après des semaines de marches forcées et d'escarmouches, avait finalement écrasé la résistance des tribus locales. La victoire fut célébrée avec force cris de triomphe, mais le cœur de Marius n'y était pas.

Sa tâche, désormais, n'était plus de se battre, mais de "collecter le butin". Et le butin le plus précieux n'était ni l'or ni les armes, mais les survivants.

les captifs de la forêt lointaine

Des familles entières de geckos des forêts, leurs peaux aux motifs étranges et leurs yeux remplis de terreur, étaient arrachées à leurs huttes en ruines.

Marius se vit ordonner de mettre les chaînes à un couple qui se serrait l'un contre l'autre. Il vit la panique dans leurs yeux, la même panique qu'il avait vue dans ceux de sa propre femme lorsqu'il était parti. Il vit leurs enfants, agrippés à leurs parents, être séparés d'eux sans ménagement par les autres légionnaires.

Ces geckos n'étaient pas les monstres sans visage décrits par les généraux à Solaris. Ils étaient comme lui. Ils avaient des familles, des foyers, des peurs. Et maintenant, ils n'étaient plus que du bétail, marqué au fer et destiné aux marchés d'esclaves de la Cité. Il comprit avec une clarté terrible que la richesse qui permettait à des aristocrates comme Maximus de prospérer, la main-d'œuvre qui taillait le marbre et cultivait les grands domaines, venait de cette immense souffrance.

La victoire avait un goût de cendre. En enchaînant ces captifs, Marius sentait une fissure se creuser dans son âme. Il était un héros pour Solaris, mais pour ces gens, il était un monstre. Le soir, alors que le long convoi de nouveaux esclaves commençait sa marche forcée vers le sud, Marius regarda ses mains, celles-là mêmes qui avaient cultivé sa terre, et ne reconnut plus le gecko qu'il était.

Partie 2 : L'engrenage

Chapitre V : Les murmures dans la nuit

La mort de Cassius avait planté une graine de glace dans le cœur de Minus. La rage et la peur s'étaient muées en une certitude froide : attendre la pitié des maîtres était une folie. La liberté ne serait jamais donnée ; elle devait être prise.

Cette nuit-là, et les nuits qui suivirent, les baraques d'esclaves cessèrent d'être de simples dortoirs de souffrance. Elles devinrent le berceau d'un complot. Minus commença à parler. Pas à tout le monde, mais à ceux dont il avait vu la flamme de défi dans les yeux : un gladiateur gaulois capturé, une esclave-cuisinière syrienne dont les enfants avaient été vendus, un vieux Nubien qui se souvenait encore de sa vie d'homme libre.

Au début, ce n'étaient que des murmures échangés dans l'obscurité, des regards complices. Puis, ils organisèrent de véritables réunions secrètes dans les recoins les plus sombres des baraques, à la lueur volée d'une lampe à huile.

murmurs dans la nuit

Là, pour la première fois, ils cessèrent de se voir comme des individus brisés par le même sort. Ils commencèrent à se voir comme une classe, unie par les mêmes chaînes et le même ennemi.

Minus ne parlait pas de vengeance, mais de stratégie. "La peur est notre première chaîne," disait-il. "Ils sont peu nombreux, nous sommes des milliers. Leur force repose sur notre obéissance." Il leur rappela ce qu'ils étaient : des tailleurs de pierre, des forgerons, des soldats. Leurs outils de travail, ces marteaux et ces pioches qui creusaient le marbre, pouvaient aussi briser des crânes et des portes.

La peur recula, remplacée par un espoir fragile mais tenace. Le culte du Gecko-Né-des-Étoiles promettait le paradis après la mort ; Minus, lui, leur parlait de liberté avant. Nuit après nuit, la conspiration grandissait, une toile d'araignée invisible se tissant sous le nez des maîtres. La vieille taupe avait commencé son lent et patient travail de sape.

Chapitre VI : Le héros dépossédé

Après des années de campagnes sanglantes, Marius rentra enfin chez lui. Il avait survécu. Il portait fièrement les cicatrices de ses batailles et une petite bourse contenant sa solde de légionnaire. Il se hâtait sur le chemin familier, le cœur battant à l'idée de retrouver sa femme, ses enfants, et sa terre.

Mais en arrivant au sommet de la colline d'où il pouvait voir sa ferme, il s'arrêta net.

le héros dépossédé

Un froid glacial le saisit. Sa maisonnette n'était plus là. Les murets de pierre de son champ avaient été abattus. À la place de sa petite parcelle s'étendait à perte de vue une immense plantation de vigne, parfaitement alignée, cultivée par des dizaines d'esclaves qui travaillaient en silence sous le regard d'un contremaître. Sa terre avait été absorbée, digérée par l'immense domaine voisin, celui du riche et puissant Maximus.

Fou d'inquiétude, il courut au village. Un vieil ami lui raconta la triste histoire. Pendant son absence, les récoltes avaient été mauvaises. Sa femme avait dû s'endetter pour nourrir les enfants, empruntant de l'argent à l'intendant de Maximus. Incapable de rembourser, elle avait été forcée de céder la ferme pour une somme dérisoire. "Elle est partie pour Solaris avec les enfants," dit le vieil ami, "elle espérait y trouver du travail..."

Marius s'effondra. Il avait versé son sang pour la gloire de la Cité, et pendant ce temps, la Cité l'avait poignardé dans le dos. Il avait combattu pour défendre un système qui, en son absence, l'avait dépossédé. Il était un héros, un citoyen, mais il n'avait plus rien. Il ne lui restait plus qu'à prendre la route de Solaris, non pas en conquérant, mais en mendiant, pour rejoindre la masse croissante des sans-terre et des sans-avenir.

Chapitre VII : La nuit des marteaux brisés

La pleine lune baignait la carrière d'une lumière blafarde. C'était le signal. Au cœur de la nuit, alors que les gardes somnolaient, un son inhabituel retentit. Ce n'était pas le bruit sec d'un marteau frappant la pierre, mais le son métallique d'un marteau brisant une chaîne.

Minus, le visage illuminé par la détermination, venait de se libérer. En quelques instants, le signal se propagea. Des dizaines, puis des centaines d'esclaves se levèrent en silence. Ils ne brandissaient pas des épées, mais les outils de leur servitude : les pioches qui creusaient leur tombeau devinrent des lances, les lourds marteaux des armes de guerre.

la nuit des marteaux brisés

La révolte fut d'une violence et d'une rapidité foudroyantes. Les contremaîtres, réveillés en sursaut, n'eurent pas le temps de comprendre ce qui leur arrivait. Les esclaves, autrefois courbés et dociles, se dressaient maintenant face à eux, leurs yeux brillant d'une fureur accumulée pendant des années. Menés par Minus, qui semblait être partout à la fois, ils submergèrent les postes de garde et s'emparèrent de la carrière.

Le cliquetis des chaînes qui tombaient sur le sol en marbre était la plus douce des musiques. Pour la première fois de leur vie, ces geckos n'étaient plus des outils, plus des marchandises, mais des êtres libres. La peur n'avait pas totalement disparu, mais elle était éclipsée par une joie sauvage, la joie de ceux qui n'ont plus rien à perdre.

Au lever du soleil, la carrière appartenait aux révoltés. Minus monta sur le plus haut bloc de marbre. Il ne fit pas de grand discours. Il leva simplement son marteau, non plus comme un outil de travail, mais comme un symbole. "Maintenant," cria-t-il, "nous marchons vers les montagnes. Et nous libérerons tous nos frères !"

Chapitre VIII : Du pain et des jeux

Marius arriva à Solaris, non pas comme un conquérant, mais comme une goutte d'eau dans un fleuve de misère. La Cité était un monstre de marbre et de foule. Il y retrouva des milliers de geckos comme lui : d'anciens paysans dépossédés, des vétérans oubliés, des familles ruinées, tous venus chercher un avenir qui n'existait pas. Ils formaient le nouveau prolétariat urbain .

Il retrouva sa femme et ses enfants, mais la joie fut de courte durée. Ils vivaient dans un quartier surpeuplé et insalubre, un labyrinthe de ruelles sombres. Il n'y avait pas de travail. Les riches citoyens comme Maximus n'employaient que des esclaves pour leurs tâches domestiques et artisanales. Marius était un citoyen libre, mais sa liberté ne lui donnait rien à manger.

Sa vie se résumait désormais à deux choses. Le matin, il faisait la queue pendant des heures avec des milliers d'autres geckos désœuvrés pour recevoir la distribution gratuite de grain de l'État. C'était le "pain", l'aumône qui empêchait la révolte de gronder. L'après-midi, pour échapper à l'ennui et à l'humiliation, il se joignait à la foule qui se pressait dans l'immense Colisée de Solaris. C'étaient les "jeux", des combats de gladiateurs sanglants offerts par les riches pour occuper les esprits.

du pain et des jeux

Assis sur les gradins, Marius regardait des esclaves se battre à mort pour amuser une foule qui, comme lui, n'avait plus de but. Il était un citoyen, mais sa vie n'avait pas plus de sens que celle des gladiateurs qu'il regardait mourir. C'est là, au milieu des clameurs de la foule, qu'il entendit pour la première fois les rumeurs. Des patriciens effrayés parlaient à voix basse d'une révolte d'esclaves dans les carrières de marbre, menée par un chef audacieux. Un nom revenait sans cesse, prononcé avec un mélange de peur et de mépris : Spartacus.

Partie III : La convergence des ruines

Chapitre IX : Le choc final

L'armée des esclaves était aux portes de Solaris. Menée par Minus, que tous appelaient désormais Spartacus, cette force de plusieurs milliers de geckos enchaînés la veille était devenue une armée disciplinée, mue par un seul désir : la liberté. La panique s'empara des riches patriciens de la Cité. Leurs légions professionnelles étaient occupées aux frontières lointaines, et les milices privées avaient été balayées.

Dans l'urgence, le Sénat prit une décision désespérée : armer le prolétariat urbain. On sortit des arsenaux de vieux équipements, on promit des terres et de l'argent, et on enrôla de force cette masse de citoyens dépossédés. Marius, qui n'aspirait qu'à retrouver sa famille, se vit remettre une lance et un bouclier. Lui, le vétéran des conquêtes, était maintenant un simple soldat dans une armée de miséreux, envoyé pour défendre les murs de la Cité qui l'avait ruiné.

La bataille pour Solaris fut chaotique et brutale. Les esclaves se battaient avec la fureur du désespoir, les prolétaires avec l'énergie de ceux à qui l'on a fait miroiter une récompense.

(POV Marius) Au cœur de la mêlée, Marius combattait machinalement. Il ne voyait que des visages anonymes, d'autres geckos qu'il devait tuer pour survivre. Il se retrouva face à un chef rebelle, un gecko charismatique qui se battait non pas avec une armure, mais avec les cicatrices de ses chaînes encore visibles à ses poignets. Il se battait pour un idéal que Marius pouvait sentir dans ses yeux.

(POV Minus-Spartacus) Spartacus menait ses troupes au pied des murailles. Il fendait les rangs de cette armée de la Cité, mais il ne voyait pas des soldats ennemis. Il voyait des geckos aux vêtements usés, aux visages creusés par la faim, des frères de misère manipulés par leurs maîtres communs. Il croisa le regard d'un légionnaire qui avait l'air plus las que haineux, un gecko qui semblait se battre sans y croire.

Le choc fut inévitable. Marius chargea, sa lance en avant. Spartacus para le coup avec son marteau. Leurs visages se retrouvèrent à quelques centimètres l'un de l'autre.

le choc final

Et dans le regard de l'autre, chacun vit non pas un ennemi, mais son propre reflet. Marius vit l'esclave que le système avait créé en lui volant sa terre. Spartacus vit le paysan libre que lui-même aurait pu être si le monde n'avait pas été cassé. Ils étaient les deux faces de la même pièce, les deux victimes du même prédateur : le grand propriétaire, le maître, l'aristocrate qui, en ce moment même, les regardait s'entretuer depuis le confort de ses remparts.

Chapitre X : Le culte des catacombes

Pendant que les dernières légions écrasaient l'armée de Spartacus dans les campagnes, une autre guerre, plus silencieuse, se menait dans les entrailles de Solaris. Le "Culte du Gecko-Né-des-Étoiles", qui avait commencé comme un murmure d'espoir dans les baraques d'esclaves, s'était propagé comme une traînée de poudre parmi tous les déshérités de la Cité : les prolétaires sans terre comme Marius, les artisans ruinés, et même quelques épouses de riches citoyens en quête de sens.

Ils se réunissaient en secret, non pas dans les baraques, mais dans les catacombes, un labyrinthe de tunnels funéraires creusés sous la ville. Là, à la lueur des lampes à huile, au milieu des tombes de leurs ancêtres, ils écoutaient les prédicateurs. Le message était simple et radical : "Il n'y a ni maître ni esclave, ni riche ni pauvre, car vous êtes tous égaux sous le regard du Grand Soleil. Votre royaume n'est pas de ce monde de souffrance."

Pour l'État de Solaris, ce discours était aussi dangereux que les marteaux de Spartacus. Il sapait les fondements mêmes de la société : la hiérarchie, la propriété, l'obéissance. Le pouvoir ne tarda pas à réagir.

Une nuit, alors qu'une assemblée secrète priait dans une grande salle souterraine, des bruits de bottes résonnèrent dans les couloirs. Des torches apparurent, et la Garde Prétorienne, l'élite de l'armée, fit irruption.

l'Église des catacombes

Les fidèles, désarmés, furent arrêtés sans ménagement.

Leur sort fut le même que celui des esclaves révoltés. Certains furent jetés en pâture aux bêtes féroces dans l'arène, pour le plus grand plaisir de la foule que l'État cherchait à distraire. D'autres, comme les plus fervents des prédicateurs, furent crucifiés le long des mêmes voies où les compagnons de Spartacus avaient agonisé. L'Empire, dans sa fureur, ne faisait aucune distinction. Que ce soit par l'épée ou par la foi, tout ce qui remettait en cause l'ordre établi devait être anéanti par le même supplice exemplaire.

Chapitre XI : L'héritage

La révolte fut écrasée dans le sang. L'armée des esclaves, malgré sa bravoure, ne put résister à la machine de guerre disciplinée des légions rappelées en urgence des frontières. Minus, que l'histoire retiendrait sous le nom de Spartacus, tomba au cœur de la dernière bataille, son marteau à la main.

La vengeance de la Cité fut terrible, conçue pour graver la peur dans le cœur de tous les opprimés. Le long de la grande voie qui menait à Solaris, les survivants de l'armée rebelle furent punis de manière exemplaire. Ce fut un spectacle macabre destiné à montrer que l'ordre des maîtres était immuable.

Dans la foule silencieuse des citoyens qui regardaient passer les convois de prisonniers, se tenait Marius. Démobilisé après la bataille, il avait reçu une maigre prime qui ne suffisait même pas à racheter une parcelle de sa propre terre. Il n'était plus un soldat, plus un paysan, juste un spectateur de la tragédie.

l'héritage

En regardant les visages des esclaves vaincus, il ne voyait plus des ennemis, mais des frères de misère. Il avait compris, dans le fracas de la bataille, qu'il n'avait été qu'un pion, un esclave à peine plus libre que ceux qu'il avait combattus, utilisé par les mêmes maîtres pour protéger un système qui les broyait tous.

La Cité avait gagné, mais sa victoire était creuse. La révolte de Spartacus et la crise qui l'avait engendrée avaient laissé des cicatrices profondes. L'Empire, affaibli de l'intérieur, commença son long et lent déclin. Les grands domaines n'étaient plus rentables, et sur leurs ruines, un nouveau monde se dessinait lentement, un monde de seigneurs et de serfs, un monde qui allait donner naissance à une autre histoire, une autre lutte. La révolte avait échoué, mais la graine de l'idée qu'un gecko, même enchaîné, pouvait se battre pour sa liberté, ne mourrait jamais complètement. Elle dormirait sous la cendre, attendant son heure.

Chapitre XII : Les cendres de l'Empire et les nouvelles tribus

Des décennies passèrent. La Cité de Solaris, bien que victorieuse, était un colosse aux pieds d'argile. La révolte de Spartacus et la crise économique qui l'avait nourrie avaient laissé des plaies béantes. Le système des grands domaines esclavagistes, les latifundias, n'était plus rentable. L'Empire, incapable de se nourrir par la conquête, se mit à dévorer de l'intérieur. Les maîtres ruinés abandonnèrent leurs terres ou les divisèrent en petites parcelles louées à des colons, d'anciens esclaves ou des citoyens pauvres, précurseurs des serfs.

C'est sur cette coquille vide que déferlèrent, depuis les forêts brumeuses du Nord, de nouvelles tribus : les "Francs-Geckos". Guerriers fiers, ils ne connaissaient ni l'État centralisé, ni la propriété privée absolue de la terre. Leurs chefs étaient des chefs de guerre, pas des monarques, et leurs traditions étaient celles du "commun", de la forêt et de la prairie qui appartiennent à la tribu.

Leur arrivée ne fut pas qu'une conquête, mais une fusion. Les chefs francs-geckos, comme le célèbre Clodovek, devinrent des rois et des seigneurs, s'emparant des anciennes terres impériales. Ils les distribuèrent à leurs guerriers en échange de leur loyauté, créant ainsi le lien de vassalité. Les anciens esclaves, colons et citoyens ruinés de Solaris, cherchant la protection de ces nouveaux maîtres, devinrent des serfs, attachés à la terre qu'ils cultivaient.

Le "Culte du Gecko-Né-des-Étoiles", qui avait survécu à toutes les persécutions, devint le ciment de ce nouvel ordre. Son message d'égalité trouvait un écho dans les traditions communautaires des Francs, tandis que son Église, de plus en plus puissante, s'alliait aux nouveaux rois pour légitimer leur pouvoir.

les cendres de l'Empire et les nouvelles tribus

Ainsi, sur les cendres de l'Empire de Solaris, un nouveau monde vit le jour. Un monde de seigneurs-lézards et de communautés paysannes, un monde de châteaux et de terres communes, soudé par la foi nouvelle. Un monde qui semblait immuable, mais qui portait déjà en lui les graines de la prochaine grande cassure. L'histoire que Tia allait découvrir pouvait commencer.